Après un second épisode unanimement consacré comme l'un des meilleurs (voire le meilleur?) films de super-héros de tous les temps, Nolan était attendu au tournant pour la conclusion de cette trilogie.
La maîtrise visuelle, le rythme et la lisibilité totale de chaque embranchement narratif ne parviennent pas à masquer un scénario boursouflé, qui emprunte trop de chemins à la fois pour se conclure de manière satisfaisante. En effet, sur près de 2h45, l'accumulation d'enjeux, de personnages et de retournements de situation donnent la sensation d'un trop-plein où Nolan se perd, d'où la déception dans la dernière partie du film, où toute la densité narrative est expédiée au profit d'un déluge d'actions qui résolvent un peu trop facilement toutes les difficultés auxquelles sont confrontées Batman et ses alliés (il suffit de lister le nombre d'invraisemblances et de coïncidences trop parfaites pour êtres crédibles qui s'accumulent pour permettre une fin sans zones d'ombre). Pour autant, The Dark Knight Rises dispose de suffisamment d'arguments pour s'imposer comme un moment de cinéma qui, par-delà les compromissions inhérentes à ce type de production, divertit, fascine, et dans lequel l'on accepterait de se perdre sur une durée indéfinie. Quand Bane (le grand méchant de cet épisode) prend le pouvoir dans la ville, Nolan instaure un climat de terreur proprement saisissant, d'une noirceur abyssale. Ces séquences terrifiantes du stade et de ponts qui explosent aux quatre coins de la ville traduisent cette impression d'un monde qui s'achève, le film entrant alors en résonnance de manière admirable avec le climat actuel. Même si cet aspect politique finit malheureusement par être relégué au second plan (voire même totalement évincé sur la fin), sacrifié sur l'autel d'une intrigue de bombe nucléaire aussi académique qu'inintéressante, The Dark Knight Rises illustre la fragilité de nos sociétés, qui ne résisteraient pas face à un soulèvement massif contre les injustices sociales, une remise en cause en acte des institutions corrompues, de la finance et de toute cette minorité de privilégiés qui vivent dans une cage dorée à l'écart de la réalité (en cela, le cas de Bruce Wayne est indéniablement complexe). Il suffirait d'une flamme pour déclencher l'incendie: Bane en est ici le symbole. Si ce personnage n'atteint pas le degré de fascination exercé par le Joker (qui était, en soi, peut-être la figure la plus pure du mal vue au cinéma), il n'en demeure pas moins charismatique, voire touchant, hélas pas suffisamment développé, et c'est d'autant plus dommage quand l'on voit avec quelle froideur expéditive Nolan s'en débarrasse. Si The Dark Knight Rises affiche un côté bien plus hollywoodien que son prédecesseur (bien plus d'actions, une fin dénuée de toute ambiguité), Nolan ne flenche pas de suite face aux enjeux de production, esquissant dans un premier temps un personnage de Selina Kyle vraiment intéressant (avant de tomber amoureuse, elle agit toujours en fonction de ses propres intérêts), et, par l'intermédiaire d'une sous-intrigue (l'épisode de la prison, sur fond de flach-backs et de vieux sages tapis dans l'ombre qui enseignent le surpassement de soi, a beau être du revu milles fois, l'on y croit vraiment), il réécrit l'histoire d'un super-héros bien humain qui doit apprendre à renaître après un cuisant échec. Par ailleurs, tout ce qui précède, à savoir le repli sur soi de Bruce Wayne, puis son humiliation en tant que Batman, démontre bien à quel point Nolan est parvenu (du moins dans un premier temps) à s'affranchir des contraintes des studios, s'autorisant à écorner l'image infaillible d'un être qui, avant d'être un figure de légende, est avant tout un homme, avec ses parts d'ombre et ses faiblesses. Au-delà de la prestation factice et opportuniste de marion Cotillard (le dernier plan qui lui est consacré a d'ailleurs déclenché une salve de rires dans la salle), le casting est toujours aussi dense et élégant.
Bien moins maîtrisé et intelligent que son prédécesseur, The Dark knight rises réserve néanmoins des moments d'une intensité folle, et rien que pour la puissance de ces moments où les ténèbres enfouissent toute possibilité de retrouver la lumière, il se doit d'être vu.
7/10