Pour peu que l'on se fie à l'accroche sensationnaliste (et déjà trop explicative) de l'affiche du film et que l'on connaisse un minimum les thématiques chères à Pascal Laugier, le spectateur envisage déjà le début de The secret en doutant de ce qui est montré. Pour autant, le film parvient aisément à dépasser le stade de la simple structure ostentatoire entièrement régie par la succession de twists que laissait suggérer sa campagne promotionnelle.
Le film dans sa globalité est plutôt bien filmé, bien joué, et le puzzle narratif tient la route au-delà des fragilités inhérentes à ce genre de récit à tiroirs (tout comme Sixième sens, mais dans une moindre mesure, le film partage cette invraisemblance aussi criticable que prétexte à des interrogations vertigineuse sur la texture même de l'ellipse narrative, à savoir: comment le film peut-il continuer imaginairement au-delà de ce qu'il filme sans sacrifier sa cohérence? Les situations présentées sont-elles possibles entre les lignes du récit? Autrement dit, l'ellipse n'est-elle pas une facilité pour masquer la proposition incohérente du scénario?). Après une première partie (et un générique) lorgnant sur les séries B d'horreur à la Stephen King, le récit de The secret, comme celui de Martyrs, prend un virage imprévu à mi-parcours. Le dernier rejeton de Pascal Laugier s'inscrit en effet dans une continuité vis-à-vis de son prédécesseur: s'ils partagent la même structure, leurs thématiques sont également communes (l'idée d'une réalité inavouable toujours masquée derrière les apparences, avec le motif de l'organisation secrète; les agissements ambigus des personnages principaux, figures qui dépassent la sempiternelle frontière Bien/Mal). Le puzzle narratif invite à s'interroger sur la notion du point de vue, et de la manière dont il peut être conditionné par les apparences et influence à son tour la réflexion du spectateur. Dans The secret, chaque personnage, chaque maison, chaque élément banal est susceptible de dissimuler un envers bien plus sombre et torturé, mais, et c'est ce qui fait aussi l'intérêt de l'entreprise de Laugier, l'inverse est également vrai. Ainsi, avec son nouveau film qui, rappelons-le, est sa première expérience américaine, Pascal Laugier surfe sur la vague d'un genre fondamental et codifié du cinéma américain (le film d'horreur), pour mieux le pervertir par une bonne dose d'incertitude morale. Ici, et le spectateur le découvre progressivement, pas de bons, pas de méchants, juste des gens qui tentent de survivre et d'autres qui tentent de rendre le monde moins déséspéré. Aussi la scène finale a de quoi déranger en ce sens que l'on soupçonne Laugier, par l'intermédiaire de la voix-off, de prendre parti.
En désamorçant totalement le manichéisme inhérent à ce genre de production, The secret trouve là sa profonde raison de vivre. C'est ce qui en fait tout l'intérêt, mais il n'est pas certains que les spectateurs américains le voient de la même façon...
7/10