Si Jarmusch ne parvient pas à éviter le piège principal d'un tel projet, à savoir que la structure se retrouve déséquilibrée par des "sketchs" de qualités inégales, Night on Earth contient de purs moments de bonheur.
Une seule et même nuit, une seule et même musique pour nous conter ces rencontres en taxi au quatre coins du monde. Les acteurs sont merveilleux de naturels: leur complicité avec Jarmusch se ressent à chaque instant. Quel plaisir de revoir Winona Ryder et Gena Rowlands qui ont maintenant disparu des écrans! Armin Mueller-Stahl et Giancarlo Esposito sont également irrésisitibles de drôlerie! Chaque segment de ce projet est un instantané éclatant d'humanité, souvent drôle, toujours bienveillant. Le sketch le plus réussi en terme d'écriture, celui qui souffre le moins de digressions, reste probablement la rencontre très touchante entre Béatrice Dalle et Isaach de Baankolé à Paris. En plus, voir enfin un cinéaste étranger qui prend Paris pour cadre sans filmer les éternels tour Eiffel, Arc de Triomphe ou encore Sacré-Coeur, ça fait du bien... Pour autant, les segments de Los Angeles et New-York sont également très bons. Une petite réserve néanmoins pour les deux derniers, plus éparpillés dans leur construction (le spectateur commençant inévitablement à ressentir des longueurs), même si Rome dispose de véritables moments d'hilarité. Avec Night on Earth, Jarmusch prend, au sein d'une atmosphère nocturne qui renforce sa portée poétique, une double initiative: brosser des portraits décalés et vibrants d'humanité tout en tenant le pari de nous faire tomber amoureux des villes qu'il filme en s'attardant sur ce qu'elles veulent cacher mais qui font d'elles ce qui, finalement, nous séduit.
Au final, c'est bien la sincérité absolue de la démarche du cinéaste qui fait de Night on Earth un film qui parvient à dépasser les contraintes de sa structure segmentée pour atteindre une sorte d'essence poétique, de sensibilité touchante et décalée, qui se diffusent en vous tel un parfum délicieusement enivrant.
7/10