Considéré comme l'une des plus belles réussites de l'immense carrière de Claude Chabrol, La cérémonie, en effet, ne déçoit pas, s'affirmant comme une étude psychologique remarquable et dérangeante.
Tableau féroce de la lutte des classes, La cérémonie met en lumière un duo d'actrices au sommet de leurt art: Isabelle Huppert n'a jamais paru aussi naturelle, délurée, et torturée, tandis que Sandrine Bonnaire interprète son rôle avec une austérité et une ambivalence glaçantes. Chabrol dirige l'ensemble de main de maître: outre sa direction d'acteurs exceptionnelle, sa réalisation, austère, réaliste, sans concessions, fait régner ausein du récit une douce tension, et le conduit tout doucement jusqu'au final, glaçant. L'étude de personnages est parfaite: Sophie, la bonne, est une femme compétente, mais repliée sur elle-même, minée par un profond complexe qui accentue davantage sa position d'infériorité vis-à-vis de la famille bourgeoise qui l'embauche; Jeanne est une postière excentrique, curieuse et envieuse, qui, sous des apparences délurées, cachent des abîmes de souffrance liée à son passé trouble. Quand les deux femmes se lient d'amitié, le ressentiment de Jeanne s'allie au complexe d'infériorité de Sophie, les ouffrances mutuelles explosent intérieurement, et la tension monte, inexorablement, mais d'une progression si lente, si étudiée, par touches apparemment si anodines, que le spectateur est d'autant plus soufflé de la conclusion, de la froideur avec laquelle les deux femmes passent à l'acte, de la préméditation progressive et inconsciente de ce massacre, ce qui le rend d'autant plus dérangeant. Face à tant de souffrance, les sentiments et la compassion n'ont plus leur place: ainsi, même les multiples tentatives de gentillesse et d'aide de la part de Melinda, la fille de la famille bourgeoise, n'y peuvent rien. La machine est en marche, l'issue tragique est écrite.
Etude sans concessions de la souffrance, du ressentiment et des conflits sociaux, La cérémonie s'impose comme un film vrai, dur et dérangeant. Une réussite majeure dans la filmographie du regretté Claude Chabrol.
8/10