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26 décembre 2011 1 26 /12 /décembre /2011 11:02

 

http://www.evous.fr/local/cache-vignettes/L150xH192/YOYO_AFF-22598-da6f2.jpg

 

Avec ce film, Pierre Etaix traite d'une atmosphère qui lui est cher: celle du cirque. D'où peut-être l'inspiration éclatante qui émane de ce projet. Yoyo inscrit la petite histoire dans la grande à travers un récit qui restitue admirablement, en quelques brefs passages soulignés par une voix-off, pêle-mêle, l'arrivée du son au cinéma, la crise de 1929 et le climat international étouffant qui en découle, à travers le parcours d'un milliardaire qui monte un cirque et part sur les routes après avoir été ruiné; ou encore la Seconde guerre mondiale, ainsi que l'avènement et la popularisation de la télévision par le prisme du fils du milliardaire, Yoyo, une fois devenu adulte. Dans Yoyo, si tout le récit baigne dans l'univers du cirque, et que le projet dans sa globalité revendique cette influence, la manière de filmer est entièrement pensée en cinéma. C'est ce qui fait toute la singularité et la qualité du résultat. Illustre représentant de la tradition du cirque, Etaix démontre qu'il est aussi un fabuleux artiste de cinéma: la polyvalence de ce grand artiste explose ici au grand jour. Chaque plan charrie son lot de trouvailles visuelles et sonores, Etaix prend un plaisir infini à jouer avec la substance cinéma, les moyens qui la régissent sont poussées à leur paroxysme pour créer l'effet comique: il ne se contente pas des gestes et des situations (qu'il orchestre par ailleurs avec une virtuosité rythmique jubilatoire), les bruitages sont élaborés avec la même finesse (je dis bien les bruitages, car les dialogues n'intéressent pas vraiment le cinéaste, en dehors d'une voix-off pour expliquer le contexte socio-politique de l'époque), mais Etaix fait plus que ça: il va parfois jusqu'à faire de la mise en scène elle-même le rebondissement, le coeur du dispositif narratif de la scène: quel meilleur exemple que la séquence géniale où Yoyo, pour survivre à l'arrivée de la télévision qui l'a supplanté, joue du violon devant un riche homme d'affaires qui dîne, avant que l'on découvre qu'il s'agissait en fait d'un téléfilm entrain d'être tourné. Cette scène magistrale fonctionne par sa mise en parallèle de deux destins opposés mais tout aussi plausibles: au lieu d'être évincé par elle, Yoyo a su s'accomoder de ce nouveau média impitoyable qu'est la télévision. Yoyo est un bonheur cinéphilique de tous les instants, qui, par une créativité sans cesse renouvelée, happe littéralement le spectateur dans une rythmique vivifiante qui ne s'essouffle quasiment jamais. Il suffit à Etaix d'un prologue en forme d'hymne au cinéma muet pour nous faire ressentir le Septième art comme si nous le découvrions pour la première fois. Impression rare, et donc précieuse. Par cette fertilité créative démente, Etaix s'inscrit dans la lignée de ces artistes légendaires que sont Chaplin, Keaton ou encore Tati. Il a retenu les leçons de ses modèles, et leur rend ici un fabuleux hommage. En rattachant le cinéma à des origines qu'il semble renier de plus en plus (l'art forain, le cirque), Etaix réussit un long-métrage d'une pureté et d'une inventivité comme on en fait plus.

Yoyo est un film que l'on regarde les yeux grand ouverts, avec l'émerveillement des premiers instants. Ce que propose ce voyage au spectateur n'a pas de prix: retrouver son âme d'enfant.

10/10

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  • : Le Point Critique
  • : La longue élaboration de ce blog de critiques cinématographiques est le témoignage de ma passion pour le Septième Art. J'écris ces critiques davantage pour partager mon point de vue sur un film que pour inciter à le voir. Ainsi, je préviens chaque visiteur de mon blog que mes critiques peuvent dévoiler des éléments importants de l'histoire d'un film, et qu'il vaut donc mieux avoir préalablement vu le film en question avant de lire mes écrits.
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  • julien77140
  • Depuis très jeune, l'art est omniprésent dans ma vie: cinéma, musique, littérature... Je suis depuis toujours guidé par cette passion, et ne trouve pas de plaisir plus fort que de la partager et la transmettre aux autres.
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