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8 novembre 2009 7 08 /11 /novembre /2009 21:22


Premier film de Sam Mendes, American Beauty fait partie de ces films qui procurent une impression étrange, indéfinissable et fascinante. De la première à la dernière minute, le film subjugue par l'intelligence et la richesse inouïes de son propos, la finesse de sa mise en scène, l'excellence de son interprétation et la poésie à la fois cruelle et humaine de son ambiance.
 Soutenue par l'impeccable bande originale de Thomas Newman, qui souligne les émotions avec parcimonie, la mise en scène de Sam Mendes s'avère, sous des airs classiques, savamment étudiée, d'une justesse et d'une intelligence qui restitue dans tout son éclat l'audace et l'ambition du scénario. Tout cela, emmené par un casting très talentueux: en particulier Kevin Spacey, au-delà des superlatifs tellement il est exceptionnel, qui traduit toutes les ambiguïtés de son personnage avec force. Le film de Sam Mendes propose une vision acide et parfaitement incorrecte de la société américaine, et un regard désenchanté sur le rêve américain, en insistant sur l'impression du gâchis instauré par la société quant au potentiel et à la beauté de ce pays. D'ailleurs, le titre du long-métrage, American Beauty, traduit très bien ce paradoxe: il se perçoit à la fois comme une ironie, mais aussi comme une vérité profonde teintée de désillusion. A travers son personnage principal, Lester Burnham, fonctionnaire maladroit et dépressif, méprisé par sa famille, enlisé dans un quotidien sans intérêt, et qui renaît littéralement après être tombé amoureux de la meilleure amie de sa fille, le film s'interroge sur l'uniformisation de la société, la nécessité d'échapper aux rouages d'un quotidien redondant en vivant au jour le jour, le manque de communication entre les gens, la quête du véritable bonheur, les notions d'honnêteté et d'indépendance prises en otage dans une société futile et hypocrite, la crise du couple, le poids de l'éducation, les frustrations sexuelles et relationnelles qui engendrent le plus souvent désirs inassouvis et haine refoulée. A l'image de Lester Burnham, qui, comme il le dit, n'a "plus rien à perdre", et se met à asséner des vérités dérangeantes qui suscitent le mépris, Mendes expose un constat saisissant en présentant le mensonge comme indissociable de la vie en société. Le film présente l'Homme dans toutes ses contradictions, et sonde les âmes avec aisance et lucidité, en montrant ce que les gens laissent voir d'eux et ce qu'ils sont vraiment. Ainsi, les personnages se réfugient derrière des images, des façades: au fur et à mesure de l'histoire, ils se dévoilent réellement, avec leurs fêlures et leurs espérances. American Beauty affiche ouvertement un ton provocateur, et cela se ressent jusque dans les moindres détails, car le scénario regorge de tabous liés à la sexualité (homosexualité, relation adulte-mineur), la drogue, ou encore la curiosité obsessionnelle des gens qui observent leurs voisins, la rigueur excessive de l'armée et l'impact psychologique qu'elle laisse à ses membres. Il prend également parti pour le fait de vivre sa vie au jour le jour, et de profiter de chaque instant de notre insignifiante existence: bref, d'accéder au véritable bonheur. Il est aussi intéressant de voir comment la sexualité, qu'elle soit fantasmé pour Lester ou active pour sa femme, est à l'origine d'une libération, d'une joie de vivre. Le film atteint son apogée d'émotion dans le dernier quart d'heure: voir Lester demander à la meilleure amie de sa fille si cette dernière est heureuse est un moment particulièrement bouleversant, et la scène finale ou, juste avant de mourir, il prend conscience de l'importance de la famille et des vrais moments de bonheur personnel de l'existence, aussi insignifiants puissent-ils paraître (sa vie de scout dans son enfance, le bruissement des feuilles dans les arbres), et qui constitue la véritable essence d'une vie.
Peinture irrévérencieuse d'une Amérique névrosée, autopsie incisive d'une société où chacun cache des abîmes de solitude et de tourments derrière un masque de mensonge et d'hypocrisie, American Beauty est une oeuvre particulièrement ambivalente, difficilement cernable tant elle regorge de sujets de réflexion, dont on ressort avec une sensation étrange: à la fois léger et mélancolique, triste et heureux. C'est un jeu des apparences: une illusion d'hommes et de femmes cachants leur personnalité pour se conformer à la société, et illusion d'une société inhumaine qui masque la réelle beauté du monde. Monumental.

10/10


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  • : Le Point Critique
  • : La longue élaboration de ce blog de critiques cinématographiques est le témoignage de ma passion pour le Septième Art. J'écris ces critiques davantage pour partager mon point de vue sur un film que pour inciter à le voir. Ainsi, je préviens chaque visiteur de mon blog que mes critiques peuvent dévoiler des éléments importants de l'histoire d'un film, et qu'il vaut donc mieux avoir préalablement vu le film en question avant de lire mes écrits.
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  • Depuis très jeune, l'art est omniprésent dans ma vie: cinéma, musique, littérature... Je suis depuis toujours guidé par cette passion, et ne trouve pas de plaisir plus fort que de la partager et la transmettre aux autres.
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