Adapté du roman éponyme, La Route était un pari osé, tant le livre était unique par sa puissance d'évocation et l'épure extrême de son style. Au final, même si la tentative de faire aussi bien que l'oeuvre de Cormac McCarthy est un échec, on peut reconnaître à cette Route de sérieux atouts.
La principal qualité de l'adaptation cinématographique, c'est la force visuelle omniprésente qui émane de nombreux plans. La majesté des décors d'apocalypse, la beauté funeste des paysages et la photographie grisâtre rendent cette atmosphère de fin du monde à la fois réaliste et terrifiante: certains plans sont époustouflants. La mise en scène est donc à la hauteur, soutenue par une interprétation impeccable (les deux acteurs principaux s'en sortent à merveille) et une musique langoureuse: ainsi, la survie au quotidien, avec la recherche constante de nourriture et la méfiance à l'égard des autres, est retranscrite à la perfection. Devant tant de modestie, de sobriété et de sincérité, on ne peut que s'attacher à un tel film. Dommage que le scénario accouche de dialogues peu recherchés et de quelques lourdeurs: les flash-backs ne sont pas tout le temps utilisés à bon escient, certaines idées sont plusieurs fois soulignées... Mais le fond reste: la déshumanisation, la relation père-fils, la survie en milieu hostile, l'espoir, bref les thèmes principaux sont présents, même s'ils sont parfois traités de manière peu subtile. Avec un telle histoire, on regrette seulement qu'Hillcoat n'approfondisse pas sa réflexion: il reste en surface et ne parvient pas suffisament à questionner le spectateur. La Route fait surgir émotion et mélancolie par fulgurances, mais pas sur la durée totale du film. On déplore donc un cruel manque d'émotion, qui entraîne ainsi une certaine distance entre le spectateur et ce qui se passe à l'écran.
La Route est une fable sur la nécessité d'espérer et le courage de survivre quand tout est perdu d'avance, un film de science-fiction humain et terrifiant. Il n'atteint évidemment pas la force du livre, accusant parfois de lourdes maladresses ou laissant le spectateur quelque peu passif, mais c'est un film honnête, attachant et d'un réalisme saisissant.
7/10