LES FRAISES SAUVAGES

Les fraises sauvages est reconnu comme l'un des films majeurs de la carrière d'Ingmar Bergman. Un film où la modestie et la beauté de la réalisation va de paire avec une réflexion intelligente et intense.
Malgré un démarrage peu engageant, le talent de cinéaste d'Ingmar Bergman se fait progressivement sentir: il parvient magistralement à mettre en valeur un scénario philosophique qui aurait facilement pu sombrer dans l'ennui, en conciliant rythme lent, atmosphère entêtante et sens absolu d'une mise en scène quasi-expressioniste. Le jeu des contrastes, l'alchimie entre ambiance visuelle et sonore, la richesse des cadrages et des transitions entre les plans donnent lieu à de très beaux moments de cinéma, à mi-chemin entre réel et imaginaire. De plus, il s'appuie sur des interprètes hors pairs: Victor Sjöstrom, à la fois lucide et lunatique, est époustouflant dans ce rôle complexe d'homme de sciences en fin de vie; et Bergman soigne particulièrement son casting féminin: Ingrid Thulin ou encore Bibi Andersson illuminent le film de leur beauté (et de leur talent). Les fraises sauvages est un voyage introspectif qui prend progressivement la forme d'une remise en question totale d'une vie entière. Rarement la voix-off n'aura été aussi intelligemment utilisé pour servir son propos: grâce à elle, Bergman parvient totalement à nous immerger dans la tête de ce vieillard qui s'interroge sur sa vie, et nous faire ainsi partager ses sentiments les plus profonds. En alternant moment présent et flash-backs, Bergman nous décrit un homme à la personnalité complexe, qui, au contact de jeunes gens et à travers ses souvenirs d'enfance, va comprendre progressivement l'importance de l'amour et du rapport aux autres dont il a été privé car toute sa vie aura été basé sur l'égoïsme, la recherche du savoir et la reconnaissance sociale. Une analyse en forme de regret où le personnage se dévoile peu à peu avec ses rêves récurrents d'enfance où il tente de retrouver un semblant de bonheur de cette période d'innocence perdue à jamais, et ses cauchemars résultants de son sentiment de culpabilité. L'histoire est l'occasion pour ce personnage de se découvrir, mais aussi d'être découvert par sa belle-fille, qui tout d'abord le trouve méprisable et finira par s'attacher fortement à lui. Ainsi, à la fin du film, le personnage retrouve une sorte d'harmonie intérieure qui lui permet de finir sa vie paisiblement, malgré les regrets d'une vie ratée.

Les fraises sauvages est un film ouvertement modeste et envoûtant sur la forme, et remarquablement profond sur le contenu. La grâce des interprètes, la beauté absolu de la mise en scène et l'intelligence du scénario transforment ce long-métrage en véritable voyage initiatique. Sous la caméra de Bergman, Les fraises sauvages se transforme en une méditation poignante sur la vie, la peur de la mort, le bonheur, la culpabilité, l'amour et l'altruisme.

 8/10