Le réalisateur de 20000 lieurs sous les mers adapte une histoire tirée de faits réels avec la rigueur de mise. En effet, la réalisation ne témoigne d'aucunes afféteries, affichant une âpreté quasi-documentaire sur toute la durée. A cet égard, la fin, au-delà de la performance d'acteur, est un modèle de mise en scène minimaliste mais efficace: constamment resséré sur le visage et les yeux de Tony Curtis, le cadrage rend palpable la tension et la sensation d'étouffement. L'étrangleur de Boston marque la première utilisation du split-screen dans le cinéma traditionnel (Richard Fleischer ayant repris l'idée du cinéma expérimental): cet effet accentue la rythmique, le suspens, notamment pour les meurtres, même si l'on ne voit pas toujours l'intérêt de l'utiliser dans certains passages. Dixit le réalisateur, cette scission de l'écran témoigne aussi symboliquement de la vision morcelée et multiple du tueur. Le récit pose la question de la responsabilité en cas de trouble mental, et la manière d'appréhender le problème du côté de l'enquêteur (Faut-il amener le tueur a découvrir la vérité au risque de le voir sombrer définitivement dans la folie? Doit-il être placé en prison ou à l'hôpital?), mais L'étrangleur de Boston pointe également du doigt les méthodes d'investigation, avec cette sorte de chasse aux sorcières opérées contre les marginaux (drogués, homosexuels,...): il était bien évidemment impensable, dans cette époque pétrie de valeurs illusoires et de bonne conscience freulatée, qu'un ouvrier, qui plus est honnête père de famille, puisse être en réalité un tueur fou. Les deux moments les plus marquants du film reste avant tout la première et la dernière apparition de Tony Curtis à l'écran. Dans le premier plan où il apparaît, regardant la télévision avec sa fille, la fluidité de la caméra qui tourne autour de lui et l'intensité de son ragard suffisent à glacer le spectateur. Quant à la fin, l'on imagine aisément qu'elle fut la séquence la plus complexe à tourner, mais le résultat est à la hauteur.
Le film reste bien évidemment assez classique, notamment avec l'enquête dans la première partie, mais l'ensemble se révèle intéressant et bien maîtrisé.
7/10