Dernier film de Roman Polanski, né dans des conditions plutôt exceptionnelles (avec l'affaire judiciaire concernant le cinéaste), The ghost writer apparaît dès le générique de fin comme un absolu du film de genre.
La mise en scène, à l'élégance racée, laisse apparaître, sous des airs faussement académiques, une maîtrise et des trouvailles visuelles qui prouvent l'envie de cinéma intacte de l'auteur du Pianiste. La gestion magistrale du cadrage, du rythme, et de l'ambiance en font une véritable leçon de mise en scène. Servi par un casting impeccable et des décors volontairement austères, le film baigne dans une ambiance étouffante, étrange, quasi-surnaturelle, alors que tout est parfaitement crédible. Dans The ghost writer, l'extraordinaire découle du crédible, l'étrangeté est une extension du réel. Elaboré avec un soin maniaque, le scénario, sur fond de paranoïa et de faux-semblants, se révèle retors mais d'une limpidité brillante, qui n'égare jamais le spectateur. Le mystère, la tension sous-jacente qui émanent du film viennent du fait qu'il met en scène des personnages tourmentés, qui manipulent et dissimulent, des personnages que l'on n'identifie jamais vraiment. Le personnage principal, naïf et inexpérimenté mais extraordinairement curieux, puis déterminé, fait ainsi office de contre-poids à la tendance générale: il est le passeur qui nous fait entrer dans l'histoire. C'est à lui que le spectateur s'identifie: ainsi, l'on vit de l'intérieur cette irruption dans un monde inconnu, régit par des codes terrifiants (manipulation, corruption, meurtre). Cet univers, c'est celui de la politique: Polanski nous livre une vision fascinante du pouvoir, de la médiatisation, en insistant sur le fossé entre ce que les hommes politiques laissent transparaître d'eux, et ce qu'ils sont vraiment. En accord avec cette vision globalement sombre, la conclusion du film apparaît d'un cynisme et d'un pessimisme rares. Dans un monde aussi noir et corrompu, rien ne sert de découvrir la vérité au péril de sa vie, mieux vaut survivre et rester dans l'ignorance, semble nous dire Polanski.
Hommage aux films d'Alfred Hitchcock autant que thriller aux résonnances politiques éminemment actuelles, The ghost writer est un grand moment de suspens, parcouru de fulgurances particulièrement tendues (notamment les dix dernières minutes, géniales).
8/10